L’Atelier de Courbet
L’Atelier du peintre de Courbet, tableau somme où vient se résumer le siècle, écrit Werner Hofmann. Et quel siècle ! Hirsute, désaccordé, en allé d’un bout à l’autre dans les luttes, les combats, les conflits. Rien qui échappe à ce fabuleux tourbillon. La politique, la pensée, les arts, tout est versé à l’alambic bouillonnant où s’invente et se distille « la vie moderne », théorisée par Baudelaire. Dans ce laboratoire, le peintre est à l’ouvrage, Courbet est à l’œuvre.
On ne veut pas de son Atelier à l’Exposition universelle de 1855 ? Qu’importe. En marge de la grande foire où le monde s’enivre au miroir des inventions et des conquêtes de la technique, Courbet fera bâtir son propre « Pavillon du Réalisme », inaugurant dans ce geste la profession d’indépendance de l’artiste, qui n’entend plus se soumettre à aucun jury : seul son bon vouloir, son goût, ses lubies décideront désormais.
Se plantant devant la grande toile de Courbet, Werner Hofmann se souvient de la leçon de Cézanne, giflé par La Vague de Berlin : « On la reçoit en pleine poitrine. On recule. Toute la salle sent l’embrun. » « Allégorie réelle », dit le peintre à propos de son Atelier, et l’historien de l’art ne manquera pas de le prendre au mot. Sur la pente malcommode de l’oxymore, la pensée rebondit et cesse de penser contradictoirement. Dissonance, tel pourrait être ici le maître mot d’une énigme ouverte et sans solution. Et si Hofmann convoque Marx, Flaubert, Rimbaud, mais aussi le régime polyfocal des retables médiévaux et jusqu’aux surréalistes, c’est pour mieux cerner l’inquiétude que L’Atelier du peintre a creusée en effet « au pivot du siècle », comme l’écrit Stéphane Guégan dans sa préface. Inquiétude ou vacillement dont il ne sera pas dit que nous soyons tout à fait revenus.
L’historien de l’art Werner Hofmann (1928-2013) est l’un des derniers représentants de l’école de Vienne, où il fonde en 1962 le Musée du XXe siècle, l’actuel Museum Moderner Kunst Stiftung Ludwig (mumok). De 1969 à 1990, il dirige la Kunsthalle de Hambourg et y présente des expositions qui font date (Caspar David Friedrich, Philipp Otto Runge ou Francisco de Goya, et des artistes contemporains comme Joseph Beuys ou Georg Baselitz). Passionné par le XIXe siècle, Werner Hofmann s’est appliqué dès son premier livre, Le Paradis terrestre (1960), et pendant toute sa vie à en scruter le formidable champ de tension, prêtant une attention particulière à la modernité française et à ses figures cardinales, Courbet, Degas ou Daumier.
Stéphane Guégan, historien de l’art, est conseiller scientifique auprès de la Présidence du musée d’Orsay. Spécialiste du romantisme français, il est notamment l’auteur d’ouvrages sur Gautier, Delacroix et Ingres, mais aussi Gauguin, Picasso et Derain. Aux éditions Flammarion, il a créé la collection des ABCdaires. Son nom est aussi lié au commissariat de plusieurs expositions remarquées, dont Manet, inventeur du Moderne (Paris, musée d’Orsay, 2011).
28 illustrations couleur
3 illustrations noir et blanc
Format : 13 x 19,5 cm
ISBN : 978-2-86589-109-2
ISSN : 0756-211X